C’est l’histoire d’une fille hamster

Première consultation pour une jeune fille de 11 ans et de ses parents. On est Mi-Juin 2020, l’an 1 après le COVID. Le couple vient consulter parce que la relation avec leur fille s’est fortement dégradée ces dernières semaines. Tout est sujet à conflit. Tout le monde est à cran. La séance commence, je demande à la jeune fille, que nous appellerons Tiphaine, quelle est la raison de ce rendez-vous, elle hosse les épaules et me lance un « pfff j’sais pô, ils trouvent que je suis pénible alors surement qu’ils espèrent que vous me changiez ». Voilà. L’ambiance est posée. Je lui explique que je vais donner la parole à ses parents et lui demande d’être attentive pour que nous puissions ensuite échanger ensemble. Le père puis la mère exposent la raison de ce rendez-vous. Ils expriment leur impuissance mêlée d’exaspération face au comportement de leur fille qui s’oppose à tout et tout le temps, ne savent plus comment la prendre. Ils veulent retrouver leur fille. Tiphaine ponctue les propos de ses parents de hochements de tête, de « pfff » dédaigneux. Je lui demande de noter dans sa tête ce qu’elle ressent pour qu’elle puisse ensuite me le partager.

C’est toujours un moment spécial quand nous démarrons des séances familiales ou de couple. J’ai parfois l’impression d’être un équilibriste ou plutôt un jongleur de feu. Tout l’art est de passer du vidage de reproches à une communication bienveillante, basée sur ses besoins respectifs et finalement créer une vision commune vers où aller, se trouver, partager.

Sentant l’ado à fleur de peau je lui propose un mandala à colorier pendant que j’échange avec ses parents. Elle accepte, se lève prendre le classeur que je lui ai indiqué, choisi son mandala (tiens, tiens, un mandala géométrique, une belle rosace dans une beau carré…besoin de structure, de sécurité, de se recentrer ? 😉 ), s’installe et se met à le colorier.

Je demande aux parents depuis quand ont-ils « perdu leur fille », depuis quand la situation a-t-elle changée ?- Avril-Mai…

– Comment s’est passé le confinement ?

– Bien. Enfin dans la mesure du possible. On a une boîte, on travaille ensemble. Pendant le confinement on a fermé la boutique, on était à la maison avec notre fille. Ça nous a permis de superviser l’école à la maison tout en bossant pour la boite (on avait tellement de paperasse à faire entre le chômage partiel, la compta, les aides d’état…). Mais bon globalement ça s’est bien passé. On se relayait.

– Et avec Tiphaine ?

– Bien, on a passé de supers moments ensemble. Y avait un peu un côté vacances. On s’est remis à jouer à des jeux de société, à lire, à regarder des séries ensemble, à cuisiner…

– Alors quand est-ce que ça a basculé ?

– … (les parents se regardent en réfléchissant)

– Ben c’est facile ! Quand ils ont repris le boulot ! lance Tiphaine qui n’avait pas loupé une miette de la conversation.

– Et que s’est-il passé selon toi ?

– Il s’est passé qu’eux ils ont repris leur vie et pas moi !

– Explique-moi

– Ben j’ai toujours pas le droit de voir mes copines, je me « javélise » 20 fois par jour et même mes grands-parents je peux pas aller les voir parce que tu comprends « je peux les rendre malades ! ». A part que vu que je vois personne et que je suis une bouteille de gel hydroalcolique je vois pas comment je pourrai les contaminer ! Et puis en plus Papi et Mami, eux aussi ils sont malheureux et ils veulent qu’on se voit. Ils ont même dit qu’ils préfèrent prendre le risque d’avoir le COVID en voyant leur petite fille que de rester sans me voir et de souffrir. Alors je vois pas pourquoi c’est eux qui décident à ma place et à la place de mes grands-parents ! Ils habitent à côté, avant j’étais toujours chez eux quand papa et maman travaillaient et là j’ai que le droit de leur parler du portail !!!!! C’est n’importe quoi ! Ça nous fait tellement mal avec mes grands-parents qu’on préfère s’appeler par Whatsapp au moins on fait comme si on était en vacances. Et eux pendant ce temps là ils vivent leur vie ! Normal !

Ses parents la regardent les yeux écarquillés. Pas un mot ne sort de leur bouche. En même temps vu le débit et la puissance qui émane d’elle tout le monde sent bien que c’est pas le moment.- C’est simple on dirait que je suis Choupi, c’est mon hamster, je suis dans une cage, j’ai 2 ou 3 jeux pour me distraire, à manger et à boire et voilà ! Ah si moi j’ai le droit d’aller au collège en moitié de classe ! Wahou trop sympa ! Mais tu fais pas la bise, tu restes loin des copines… a ben ça s’est facile elles sont même pas dans mon groupe ! j’suis avec tous ceux que j’aime pas ! Bref la vie de rêve de Tiphaine le hamster ! Et après ils se demandent ce qu’il se passe !

Elle reprend ses crayons sans même un regard pour ses parents et se remet à colorier.- En effet ça m’a l’air bien compliqué à vivre tout ça ! Ça réveille en toi une belle colère, non ?

– Ben en même temps mets-toi à ma place !

– Sur une échelle de 1 à 10 tu dirais qu’elle est à combien ta colère ?

– 11 !

– Ok. De quoi as-tu besoin ?

– De sortir de cette cage !

– Et que ferais-tu si tu pouvais « sortir de cette cage » ?

– J’irais voir mes grands-parents et passer la journée avec eux. Je sais bien qu’il y a le virus et tout et tout. J’suis pas inconsciente. Je préfère pas aller à l’école, faire un test et aller mes grands-parents. Au moins je risque pas de les contaminer. Même que le mieux ce serait que je reste chez eux plusieurs jours. Vu qu’on sortirait pas on risquerait rien. Parce qu’ils me font des leçons mais eux ils voient des gens tous les jours au magasin. C’est eux qui risquent le plus de nous contaminer !
Je me tourne vers les parents restaient jusque-là silencieux :

– Qu’en pensez-vous ?
Le papa se réajuste, éclaircit sa voix…

– Je ne sais pas quoi dire, je pensais que tu étais contente de faire tes après-midi Whatsapp avec Papi et Mamie. Je ne savais pas que tu en souffrais autant. Pourquoi ne nous as-tu rien dit ?

– Vous passez votre temps au travail depuis le déconfinement et quand vous rentrez vous êtes fatigués et puis je sens bien que vous avez des problèmes, alors je me disais qu’il fallait pas que j’en rajoute.

– Oui mais bon ça t’empêchait pas de nous faire la vie pour un oui ou un non, lance la maman d’un air exaspéré

– C’était plus fort que moi !

– En effet, interviens-je immédiatement, c’est tout à fait cela « c’est plus fort que toi », et tu sais pourquoi ?

– Non

– Parce qu’une émotion est faite pour nous traverser, pas pour la stocker. Toi tu as tout retenu, ta colère d’être comme un hamster, ta tristesse de ne pas voir tes grands-parents, ton inquiétude de sentir tes parents soucieux, plus le chagrin de Papi et Mamie, plus le manque de tes copines… Tu as fait l’éponge. [je prends une feuille et un feutre, je dessine un récipient et je mets des flèches qui remplissent ce récipient… Chagrin… Colère… Peur…]. Et sais-tu ce qu’il se passe quand le vase est plein ? [je prends un feutre rouge et fait de grands traits qui jaillissent du vase] Ben il déborde et se transforme en volcan, un volcan qui explose pour un oui ou un non même sans le vouloir et en plus souvent pour des broutilles Mais bon c’est la meilleure solution qu’à trouvé ton cerveau.
-…

– Que pensez-vous de sa proposition d’aller quelque jour chez ses grands-parents ? demandai-je aux parents

– Si mes parents sont d’accord, je suis d’accord répond la mère

– En plus tu pourrais quand même faire tes cours en visio
Un sourire illumine le visage de Tiphaine. Je propose de continuer la séance seule avec elle. Elle accepte.
Le père prend la parole

– Avant de vous laisser toutes les deux je voudrai dire quelque chose

– Oui, allez y

– Tiphaine je suis désolé. Désolé de pas avoir compris que tu n’allais pas bien. Vraiment

– On croyait bien faire, rajoute la maman

– Vous avez fait de votre mieux et elle aussi. Et puis vous avez vu qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas puisque vous êtes ici 😉
Nous avons continué la séance toutes les deux, nous avons libéré les émotions bloquées grâce aux techniques de régulation émotionnelles GTSConcept, nous avons fait quelques deuils au passage (de la vie d’avant, des vacances en Martinique qui tombent à l’eau…) et nous avons recréé un futur, avec des séjours chez Papi et Mamie, des vacances en Bretagne chez sa cousine, des soirées jeux de société avec ses parents… Pas à pas elle s’est créé son programme. Elle y a mis les sensations… Elle se sentait joyeuse, gaie « et même joueuse ! j’adore taquiner et faire des blagues ! ». Quand ses parents sont revenus, elle avait tout un programme à leur présenter !

Délicieuse journée jolis vous

Sylvie
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