
Je recevais depuis quelques mois un jeune garçon de 8 ans, que nous appelerons Thomas, pour un déficit de l’attention. Nos séances étaient… mouvementées ! Joyeusement mouvementées. Au travers de jeux il explorait la présence, à l’instant, à soi. Tout était prétexte à expérimentation et à valorisation. Nous notions chacune des activités qui lui avait fait du bien sur un mandala « les trucs qui me font du bien », il a aussi appris à réguler ses émotions, à faire des pirouettes sans bouger (quoi vous savez pas faire ??!!). Nous avons aussi fait une séance de déprogrammation d’empreintes post-traumatiques autour de la grossesse et des angoisses de sa maman qui, enceinte, avait eu très peur de le perdre. Elle ne le sentait plus bouger et avait été hospitalisée et une césarienne en urgence avait été faite. Nous avons complété par une séance qu’avec la maman pour libérer aussi de son côté cette empreinte, cette peur panique qui l’habiter encore. Comme si « il bouge pas il va mourir » était encore leur présent à tous les deux.
Bref nos rdv se passaient bien, il cheminait, ses enseignants étaient ravis des progrès et à la maison ça allait un peu mieux… « pour peu qu’il soit occupé » me disaient ses parents.
Un jour, Thomas arrive et s’installe directement sur le transat du cabinet. Transat qu’il avait jusqu’alors fuit soigneusement. Pensez-vous ! Rester là allongé sans bouger !
Je le laisse s’installer faisant mine de ranger des affaires pour voir ce qu’il va faire. Il se relève, va chercher le tabouret, se remet dans le transat, pose les pieds sur le tabouret, cale ses mains derrière la tête et sort un énorme soupir. Je me tourne et il me lance « j’suis épuisé ! ». Autant vous dire que c’était une première que d’entendre ces mots dans sa bouche ! Lui qui épuisait tout le monde était épuisé. Je ne réponds rien et prend le temps de m’installer, visiblement trop lentement pour lui…- Bon Sylvie il faut qu’on parle !
– Avec plaisir ! Je t’écoute
– Il faut que tu m’aides à dire à mes parents que je veux plus faire le tennis et de la piscine !
– Ok. Faut que je comprenne un peu plus ce qui se passe alors. Et qu’est-ce qui motive ta décision ?
– Ben j’te l’ai dit ! J’suis épuisé !
Ahhh c’est parfois un peu dur de la feuille une thérapeute
– Et que veux-tu faire alors ?
– Ben rien ! Je veux juste rester dans ma chambre et avoir du temps pour jouer ! Là je rentre de l’école, maman me donne un goûter vite, vite, je prends mon maillot et je file à la piscine, quand je sors il fait nuit, je dois manger et aller me coucher. Ca c’est le lundi et le jeudi. Le mercredi le matin je viens ici, mais ça c’est bon j’aime bien (ouf :p ) et après vite, vite il faut manger un sandwich et partir au tennis. Quand c’est fini maman elle discute tout le temps avec ses copines et quand on rentre je dois faire mes devoirs de jeudi et vendredi, prendre la douche, manger et aller au lit. Le jeudi, je t’ai dit, c’est encore piscine. Le vendredi soir je suis à la garderie parce que maman travaille tard, le samedi j’ai les compétitions et le dimanche je dois faire mes devoirs du lundi et mardi. Ah et j’oubliais ! Le mardi soir j’ai catéchisme ! Quand veux-tu que je joue tranquille dans ma chambre ! A chaque fois que je commence une construction de légo maman m’appelle pour qu’on parte !
– Ah oui en effet c’est un sacré emploi du temps !
– Alors tu comprends pourquoi il faut que tu m’aides ?! J’suis épuisé moi !
– Ok je l’entends. Nous allons déjà nous occuper de ton épuisement histoire que toi ici tu te sentes mieux, que tu te détendes et qu’on trouve ensemble comment nous allons faire.
– Ok, dit-il en reprenant la position du pacha pieds sur le tabouret et mains derrière la tête.
– Tu sais quoi ? On va essayer un nouveau truc. Je te propose de te raconter une histoire qui détend, une histoire aux pouvoirs magiques que je vais inventer exprès pour toi
Je vois ses yeux pétiller
– Alors on est d’accord le problème c’est « je suis épuisé »
– Oui
– Et comment voudrais-tu te sentir ?
– Cool Raoul ! lance-t-il en s’enfonçant un peu plus dans le transat
– Donc la phrase magique ce serait…. « je me sens cool Raoul » ?
– Hihi ouiii !
– Maintenant j’ai besoin que tu choisisses un animal, celui que tu veux, le premier qui te vient
– Un hérisson !
– Bon. J’ai tout ce qu’il me faut ! Il me reste à poser mon téléphone à côté pour enregistrer l’histoire pendant qu’elle apparait comme ça, si elle t’a plus et surtout si elle t’a fait du bien, tu pourras la réécouter
– D’accord
– Inspire, souffle. Inspire… et souffle fort comme pour faire sortir toute cette fatigue. Inspire, souffleeeee. Encore une fois. Réinstalle-toi si besoin et répète après moi ta phrase magique « je me sens cool raoul », encore 2 fois.
Maintenant voici qu’arrive… Gaston le Hérisson. (je mine son arrivée avec mes doits) Celui s’avance et vient se poser sur ta main droite (je pose mon doigt sur sa man droite), puis il se faufile à l’intérieur de ta main, remonte sur ton poignet, grimpe le long de ton bras droit (toujours avec mes doits qui parcourent son corps). Piufff ! Il est fatigué et fait une pose sur ton épaule droite et souffle un grand coup. Il reprend son chemin, glisse le long du torse, atterrit sur ta hanche, rampe sur ta cuisse….
15 minutes ! 15 Minutes de Yoga Nidra ! Gaston le hérisson l’a captivé 15 minutes !
Une fois le yoganidra finit et enregistré il a évidemment été rajouté au mandala des « trucs qui me font du bien » et je lui ai dit que je l’envoyais tout à l’heure à sa maman via whatsapp.
– Bon comment te sens-tu dans ton corps, là maintenant ?
– Cool ! J’ai même un peu sommeil je crois.
– C’est possible, ça t’as demandé beaucoup d’énergie de sortir toute cette fatigue et cette colère de pas avoir le temps de jouer. Te sens-tu prêt à trouver des solutions ?
– Oh oui !
Nous voilà à réfléchir stratégie, à creuser pour voir s’il voulait tout arrêter ou qu’une partie, si les copains d’activités n’allaient pas lui manquer… Sa décision semblait ferme : il voulait tout arrêter ! Et lui de rajouter : « et puis tu sais quoi ? s’il veulent pas, suffira que je sois infernal comme avant et à la piscine ils me vireront ! Tout’façon ils ont déjà plein de fois aux parents que j’étais difficile »
– Et tu es difficile ?
– Non ! C’est juste que j’en ai marre de faire tout le temps que des aller/retour dans la piscine, en plus la prof elle fait que nous crier dessus sans nous expliquer quoi faire ! Avant on faisait aussi des jeux. Maintenant on fait que des longueurs en se faisant crier dessus !
– Ok donc tu aimais bien la piscine avant ?
– Oui j’adore la piscine ! Mais pas de faire que des aller/retours !
– Ok. Donc tu ne veux pas arrêter la piscine, tu veux juste arrêter les cours ?
– Et les compétitions !
– Et pour le tennis ?
– Ah ben ça j’aime pas du tout ! C’est papa qui a voulu que j’en fasse, il a dit que ça m’obligerait à me concentrer.
– Ca a fonctionné ?
– J’sais pô. Mais c’est nul de toute façon
– Pourquoi ?
– Parce que je suis dans le groupe des nouveaux, qu’avec des petits et que même quand j’arrive à rattraper la balle ben eux ils la rattrape pas !
– Tu joues jamais avec des grands ?
– Si, avec papa !
– Et ?
– Ah ça j’adore ! En plus on rigole bien ! Et des fois on fait même des concours sur le mur et papa il fait le prof. Mais bon on le fait pas souvent parce que le week end on a les compétitions
– Donc là aussi tu ne veux pas arrêter le tennis, ce sont les cours avec le club que tu veux arrêter.
– Voilà
– Et si tu arrêtes ces activités que veux-tu faire ?
– Ben le lundi je fais des légos, le mardi je vais au catéchisme, j’aime bien y a Zoé qui vient, le mercredi je viens te voir (enfin pas tous les mercredi, comme on fait là quoi) et l’après-midi je sais pas on verra. Et le jeudi cool raoul et le week end j’aurai le temps d’aller faire du tennis avec papa.
– Et bien tu as réfléchi à tout ! Et comment ça fait dans ton corps quand tu imagines ces semaines là ?
– C’est trop bien !! Et même que peut-être des fois maman voudra bien qu’on aille à la piscine !
– Tu penses qu’on a bien pensé à tout ? Veux-tu que nous fassions rentrer maman pour lui en parler ?
– Oui j’veux bien mais c’est toi qui commences
– Ok je commence mais après c’est toi qui explique comme tu me l’as expliqué, c’était super
– Bon j’vais chercher maman ! Mamaaaaaaa ! C’est à toi aussi !
Nous avons pris un temps avec la maman pour exposer le besoin de repos et de temps d’oisiveté de Thomas, il lui a expliqué tout son plan en veillant bien à dire qu’il voudrait qu’elle l’amène à la piscine et faire du tennis avec papa. Sa mère écoutait, médusée. Je crois que face à la détermination de son fiston elle n’avait pas trop d’argument 😊 Une fois l’exposé finit elle dit
– Mais Thomas tu tenais pas en place, c’est pour ça qu’on t’as mis aux activités, pour que tu te dépenses, que tu te défoules
– Ben maintenant j’suis fatigué !
– En fait Thomas ne vous dit pas que c’était une erreur ou que vous avez mal fait, ce qu’il exprime ce sont ses besoins d’aujourd’hui. Ils ont changé et ils changeront surement encore, comme les nôtres. A cette période de sa vie il a besoin de lâcher le chrono, d’être…
– Cool Raoul ! lance Thomas tout fier
– Ok j’ai compris, on en parle avec papa ce soir.
Nous concluons la séance, nous saluons, je les racompagne à la porte et là Thomas se retourne et me lance avec de grands yeux affolés « attends !! ! t’as pas envoyé l’histoire magique à maman ! » Je me suis exécutée sur le champ.
Délicieuse journée jolis vous
Sylvie
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sylviethaon.com
Précision : les cas ici contés sont simplement inspirés de plusieurs personnes, ce n’est jamais l’histoire unique d’une personne, secret professionnel et respect oblige 😁. Les situations, dates, noms, pathologies et lieux ont été modifiés
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