
[C’est l’histoire d’un tsunami qui menaçait de déferler]
Une dame arrive dans mon cabinet, nous l’appellerons Jeanne. Elle porte des lunettes de soleil, s’assoit, s’installe calmement, chaque geste est précis. Comme si elle avait besoin de tout mettre en place avant de commencer. Je lui propose un thé. Elle accepte, retire ses lunettes en s’excusant de ne pas être présentable. Pourtant au premier regard je l’ai trouvé classe, avec de la prestance et là aussi même sans ses lunettes de soleil, elle est maquillée, coiffée… Mais peu importe, ce qui compte c’est son ressenti : elle se sent toute bouleversée, pas présentable, anéantie. Il y a une semaine son compagnon s’est donné la mort dans leur tout nouveau chez eux. C’est elle qui l’a découvert en rentrant des courses. Elle prend une gorgée de thé et reprend le récit d’un ton monocorde, détaché, factuel jusqu’à aujourd’hui.
Je lui demande ce qu’elle attend de cette consultation. Elle me répond « que je puisse reprendre mon travail, j’adore mon métier, je sais qu’il est essentiel à mon équilibre et là j’ai essayé d’y retourner deux fois et à chaque fois j’ai dû reparti tant j’avais envie de pleurer quand je vois mes collègues »
– Et le reste du temps vous n’avez pas envie de pleurer ?
– Non. Le reste du temps j’ai tant de chose à faire ! Je dois trouver une solution pour la maison que je ne peux pas garder seule, gérer les pompes funèbres, les paperasses, ses enfants qui pinaillent, nettoyer la maison… même le soir quand je me retrouve seule je ne peux pas pleurer, j‘ai ses deux chiens qui me regardent avec leur air désespéré au pied du lit.
– Et au travail vous n’avez pas de quoi vous occuper ?
– Ohhhh si !!!
– Alors qu’est-ce qui fait que, là, vous fondez en larmes ?
– C’est mes collègues ! Leur regard ! Il y a tant de peine dans leurs yeux quand elles me regardent ! C’est comme si ça réveillait la mienne !
– Et c’est embêtant ?
– Ah ça oui ! J’ai pas besoin de ça maintenant ! C’est trop énorme ! J’peux pas ! Si je relâche c’est un tsunami qui va déferler ! Je peux pas me le permettre ! J’ai trop de chose à gérer !
– Ok, j’entends.
– Vous pensez que vous pouvez faire quelque chose pour moi ?
– Oui nous pouvons faire quelque chose pour vous.
– Nous ?
– Oui, vous et moi. Tout d’abord je voudrai, si vous me le permettez, que nous discutions un peu avec votre cerveau. Celui-ci est submergé par l’émotion et bien qu’il ait coupé le circuit pour éviter un court-jus il lui arrive parfois de déborder tant la tension est grande. Il a besoin de savoir que vous allez vous occuper de la vague, que vous lui promettiez de prendre soin de ces parts de vous « anéanties » comme vous m’avez dit tout à l’heure.
– Ben pour ça il va falloir qu’il me promette d’y aller en douceur, de pas tout balancer en une fois ! J’y survivrai pas !
– Ok. (Je prends une chaise et la place en face d’elle et d’un geste théatral j’annonce : )
– Je vous présente votre cerveau. Jeanne, qu’avez-vous à dire à votre cerveau
– (elle me regarde d’un air dubitatif)
– Faisons comme si il était là posé devant vous prêt à entendre vos doléances… Vous disiez que vous vouliez qu’il y aille en douceur c’est ça ?
– Oui j’ai besoin qu’il me laisse le temps
– Dites-lui directement à lui (je montre la chaise de la main)… Je veux que…
– Que tu sois doux avec moi ! Je peux pas prendre le tsunami dans la gueule ! Ca fait trop là !
– Ok (je lui tend la main, l’invite à se lever et à s’assoir sur la chaise du cerveau)
– Cher cerveau, qu’avez-vous à répondre à Jeanne ?
– …
– Dites tout ce qui vous passe par la tête, sans réfléchir, comme si vous étiez le cerveau. Cher cerveau, Jeanne demande que tu sois doux avec elle, qu’elle ne veut pas prendre le tsunami dans la gueule, qu’as-tu à lui répondre ?
– Ben ok juste si elle me promet de s’occuper de tout ce bordel c’est ok.
Je lui prends la main et l’accompagne vers la chaise de Jeanne.
– Jeanne, qu’avez-vous à répondre au cerveau ?
– Oui c’est promis, à condition que ça me permette de reprendre mon travail.
– Vous avez quelque chose à rajouter ?
– Non.
– Et votre cerveau ? (je l’invite à nouveau à changer de chaise)
– Promis, toi tu t’occupes du bordel et moi je m’occupe de ta reprise de travail. On tcheke ?
– On tcheke !
S’en suit une discussion où j’explique à Jeanne le fonctionnement du cerveau, comment ça se passe quand le limbique est envahi par les émotions, que le reptilien est en insécurité… comment identifier ses besoins et y répondre…. Elle reprend son souffle, met du sens dans ce qu’elle vit et ressent. La lumière revient petit à petit sur son visage.
Nous démarrons le travail par Jeanne au travail, comment elle se sent, la tristesse qu’elle voit dans les yeux des collègues, sa propre tristesse… on s’appuie sur ses ressources : son professionnalisme, la bienveillance dont elle est entourée, sa capacité de concentration, d’être focus…. On ajuste la vision, les sensations, on régule les émotions qui remontent jusqu’à ce qu’elle se sente bien, que la vision lui convienne… Puis elle intègre images et sensations…
Ceci fait je lui demande si elle a besoin d’autre chose. Elle me parle de sa difficulté depuis l’évènement à passer devant le garage et combien c’est pénible parce qu’elle est obligée de passer devant à chaque fois qu’elle rentre et sort. « C’est comme si à chaque fois que je passe devant ça aspirait le peu d’énergie que j’ai et j’ai juste envie de retourner sous la couette et qu’on m’oublie ». Grace aux techniques projectives de déprogramation d’empreintes post-traumatiques nous traitons les empreintes liées au garage : image, sensations, odeur, crissement des cailloux de l’allée… Quand c’est trop dur on rajoute un plexiglas entre elle ici dans le cabinet et la Jeanne sur l’écran (imaginaire) devant nous. Cette première séance a permis à Jeanne de s’offrir un espace pour ressentir, en toute sécurité, et à sortir du conflit interne « ressentir ou avancer » en trouvant un compromis.
Je l’ai accompagné sur plusieurs séances dont le thème de chaque séance était défini par son présent et ce vers où elle voulait aller. Parfois du coaching, des fois de techniques de déprogrammation d’empreintes post-traumatiques, ici des techniques de régulation émotionnelle, là un temps de relaxation et de ressourcement et bien sûr avec les techniques GTSConcept du deuil, parce qu’il y en avait des deuils à faire : de son homme, du projet à 2, de la maison, des chiens qui ont du partir auprès des enfants, du voyage qui était prévu pour l’été… petit à petit. Un pas après l’autre. En douceur comme elle le voulait.
Délicieuse journée jolis vous
Sylvie
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